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« La crise a montré les limites des produits à usage unique »


Rédigé par Rédaction le Mardi 1 Septembre 2020 à 09:19 | Lu 993 fois


Réorganisation des services, multiplication des demandes en vêtements professionnels, utilisation accrue de sacs hydrosolubles… Les blanchisseries hospitalières ont, elles aussi, dû s’adapter pour faire face à la crise sanitaire. Entretien avec Andy Nguyen, président de l’Union des Responsables de Blanchisseries Hospitalières (URBH).



Andy Nguyen, président de l'URBH. ©DR
Andy Nguyen, président de l'URBH. ©DR
Comme tous les services hospitaliers, les blanchisseries ont subi de plein fouet la crise sanitaire. Quels ont été les enjeux auxquels vous avez été confrontés ? 
Andy Nguyen : Les évolutions observées suite à cette crise sanitaire représentent une augmentation du volume sur le linge en forme. La profession n’avait d’ailleurspas subi de tels changements durant ces 30 dernières années.Certaines régions ont été relativement épargnées mais nous n’en avons pas moins tous été impactés. Dès les premiers jours, les blanchisseries hospitalières ont dû se réorganiser pour répondre aux nouvelles demandes afin de limiter les risques de contamination des personnels soignants, ce qui a augmenté la consommation et donc le traitement des vêtements professionnels. Cette demande a d’ailleurs été démultipliée par les nombreuses ruptures de stocks en sur-blouses à usage unique non-stériles. 

Cela fait plusieurs années que l’URBH en appelle à renoncer aux produits à usage unique non-stériles pour des raisons de qualité microbiologique non garantie… 
La pénurie engendrée par la crise a montré, à tous, les limites de ces produits à usage unique, fabriqués à bas coût aux quatre coins du monde. Les blanchisseries ont rapidement mis en place des blouses textiles d’origines diverses (confection maison, bénévoles, industries réorganisées, …). Certains établissements ont observé une hausse de plus de 50% de leur activité sur les vêtements d’habillage et de sur-habillage. Cette augmentation considérable illustre bien les volumes habituellement réservés aux vêtements de protection jetables. Pourtant, une blouse à usage unique non-stérile n’est pas forcément propre,au sens bactériologique du terme, contrairement à une blouse en tissu traitée dans une blanchisserie aux procédés industriels. C’est, entre autres, pour cela que l’URBH milite pour l’abandon de ce type de produit au profit d’articles textiles réutilisables.

Vous évoquiez une demande accrue en matière de vêtements professionnels. Comment y avez-vous fait face ?
Cette crise a mis en lumière une problématique majeure : les tensions sur les circuits internationaux d’approvisionnement. Afin de pallier le manque des vêtements professionnels, la Direction Générale des Entreprises (DGE) a réorienté plusieurs usines nationales. Parallèlement, de nombreuses initiatives se sont mises en place. À Montpellier, par exemple, nous avons pu acquérir 8 000 kits prédécoupés et les mettre à disposition de 324 couturières bénévoles. L’expérience a été concluante puisque le fournisseur cherche à pérenniser la démarche en s’alliant avec un atelier de couture local. En plus de générer des emplois, cette boucle de proximité permettra de sécuriser une partie de nos approvisionnements, tout en facilitant l’adaptation des produits.

Avez-vous, pour votre part, dû modifier vos processus de traitement du linge ?
Les process industriels employés par les blanchisseries hospitalières répondaient déjà aux problématiques d’élimination des virus et bactéries. La crise a, en revanche, favorisé une prise de conscience collective par rapport aux précautions standard d’hygiène et au rôle important joué par les textiles. Partout, les protocoles d’habillage déjà en vigueur ont été mieux respectés. Nous avons, de notre côté, augmenté l’utilisation de sacs hydrosolubles pour le linge sale, tout en réadaptant les horaires des équipes afin d’accélérer la rotation de certains articles en trop faible quantité, permettant parfois de traiter deux fois le même article en 24 h. 

Comment mieux préparer les blanchisseries hospitalières à ce type de crise ? 
Une fois de plus, les blanchisseurs hospitaliers publics ont su répondre présents, même si cela n’a pas été de tout repos. Pour conserver cette réactivité, les hôpitaux doivent conserver la maîtrise de leur blanchisserie en statut intégré ou en groupement de coopération.Les notions de service public et de continuité de service sont très présentes au sein de nos équipes, qui sont membres à part entière de la fonction hospitalière. Elles ont fait preuve de solidarité et d’un grand professionnalisme pour organiser la continuité de leurs activités et en assurer celle des soins. Afin que l’on puisse garantir cette réactivité sur le long terme, les établissements de santé devront également renforcer la maîtrise de leur filière linge en interne mais aussi privilégier des filières d’approvisionnement françaises. La massification des achats n’est pas forcément la bonne solution au regard de la chute des approvisionnements que nous avons pu observer pendant la crise.



 

Catherine Diallo, ingénieure blanchisserie-restauration. ©DR
Catherine Diallo, ingénieure blanchisserie-restauration. ©DR

Au CHU de Reims, une blanchisserie au cœur de la crise

Les établissements de l’Est de la France ont dû s’adapter très vite aux contraintes de la crise sanitaire. À Reims, la blanchisserie du CHU a rapidement mis en place un « circuit court ». « Nous avons fourni aux services Covid des sacs à ouverture hydrosoluble, raconte Catherine Diallo, ingénieure blanchisserie-restauration. Systématiquement isolé, le linge de ces sacs était pris en charge par des équipes de deux personnes et était décontaminé avant d’être lavé ». Le volume des décontaminations a donc sensiblement augmenté, passant d’une trentaine de kg par jour à presque 2,5 tonnes au plus fort de la crise. « Nous devions à la fois faire face au stress des équipes et nous réorganiser, pour pouvoir fonctionner 7j/7 pendant dix semaines »,explique-t-elle. Il fallait également pouvoir absorber l’augmentation de l’activité, due à une utilisation accrue des vêtements professionnels et des sur-blouses textiles. Afin de trouver ces sur-blouses supplémentaires, les blanchisseurs rémois ont pu compter sur la solidarité de tous : « Nous avons collecté du tissu et obtenu l’aide de nombreux couturiers, continue la responsable.Cet élan de solidarité exceptionnel nous a vraiment aidé dans cette période difficile »



 

Marc Drezen, directeur technique opérationnel du GCS Blanchisserie Toulousaine. ©DR
Marc Drezen, directeur technique opérationnel du GCS Blanchisserie Toulousaine. ©DR

À Toulouse, « on a pu s’adapter mais maintenant il va falloir recruter »

Bien que l’agglomération toulousaine ait subi moins fortement la crise sanitaire, le CHU n’en a pas moins accueilli de nombreux malades. Le Groupement de Coopération Sanitaire (GCS) Blanchisserie Toulousaine de Santé s’est donc adapté. « Outre la mise en place des mesures de distanciation, le principal défi a été de répondre à la demande croissante de vêtements professionnels et sur-blouses textiles », explique Marc Drezen, directeur technique opérationnel du GCS. Pour s’approvisionner, le responsable s’est tourné vers ses fournisseurs historiques mais aussi vers des entreprises locales. « En quinze jours, nous avons pu constituer un stock de 10 000 sur-blouses tissus », se félicite-t-il. Grâce à un procédé de traitement du linge à 80°C et à l’utilisation systématique, depuis 2008, d’équipement de protection pour se rendre en zone sale, l’établissement n’a pas eu à se réorganiser entièrement. Mais il lui a fallu faire face à l’augmentation des volumes et l’arrivée de nouveaux articles textiles : « Un kg de tenues professionnelles prend autant de temps à traiter que trois kg de drap, rappelle Marc Drezen qui compte recruter. Même si nous ne nous en sommes pas rendus compte sur le coup, les changements impliqués par la crise seront majeurs sur le long terme ».



 

Evelyne Thierry, cheffe de projet du GCS BIH SIH47. ©DR
Evelyne Thierry, cheffe de projet du GCS BIH SIH47. ©DR

À Agen, tri au propre et traitement en « tout séché » plié

En janvier dernier est entré en fonction le nouveau bâtiment de la blanchisserie du Groupement de Coopération Sanitaire (GCS) Blanchisserie Inter-Hospitalière du Lot-et-Garonne (SIH47). Les agents agenais ont ainsi pu profiter des nouveaux équipements incluant notamment les procédés du « tout séché » plié et du tri au propre. « En ne manipulant pas de linge sale, nos agents ont été moins exposés aux risques de contamination »,confie Evelyne Thierry, responsable de la blanchisserie et chef de projet du GCS. Autre innovation portée par le GCS, le procédé du « tout séché », originaire du Canada, a joué un rôle indéniable dans la prise en compte des nouvelles contraintes sanitaires. Le processus, qui limite les manipulations, se base notamment sur « l’utilisation de draps de bain, serviettes éponges, draps housse et plus largement de tissus jersey », ajoute Evelyne Thierry. Autant de spécificités qui ont été particulièrement utiles face au Covid, en permettant aux 52 employés de la structure de maintenir « un rythme quasi-normal ».



 

Article publié sur le numéro de juin d'Hospitalia à consulter ici : https://www.hospitalia.fr/Hospitalia-49-Special-Covid-19-MERCI-_a2230.html  







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